Evey "Crazy Fox" Nails [Work In Progress]

Semblable à une cage, on avait recouvert la jeep d’une épaisse couche de blindage pour former un toit, et aménagé un habitacle séparé du poste de conduite pour embarquer une escouade réduite. Si le véhicule offrait plusieurs avantages du point de vue stratégique, on n’aurait pu rêver de pire comme transport. Prenant une nouvelle embardée, les contreforts de métal grossiers de la banquette rentrèrent dans les côtes d’Evey qui poussa un juron effroyable à l’amusement de ses camarades. Grimaçant la rouquine replaça Jackhammer qui pendait dans son dos de façon à amortir le prochain choc. Malheureusement, l’arme était trop imposante et ses bras déjà occupés. L’énervement allié à l’espace très réduit qu’elle partageait déjà depuis plusieurs heures avec ses camarades fit monter une ultime bouffée d’exaspération qui la fit exploser. S’approchant de la grille qui la séparait du poste de conduite elle donna un grand coup de pied dedans pour attirer l’attention du conducteur qui fit vaguement attention à elle.
-Dit-moi Jess un deuxième trou d’balle ça t’aiderais à mieux conduire ?
Le ton était hargneux et menaçant, son doigt crispée sur la gâchette mais le pilote répondit hilare :
-J’te proposerais bien d’prendre l’volant chérie mais j’tiens à arriver à bonne destination !
Comprenant qu’elle n’arriverait à rien elle regagna sa position sous les quolibets des autres soldats. Se reposant contre le dossier de la banquette elle se demandait si elle voulait vraiment arriver à destination. Après tout ce qui les attendaient tous n’était pas des plus réjouissants. Evey « Crazy Fox » Nails était un soldat d’expérience qui avait déjà vu la mort de près et l’idée d’aller la côtoyer de nouveau ne l’enchantait pas vraiment. Elle aimait l’adrénaline du combat et n’était jamais contre une bonne baston, mais affronter ces putains de MEC était différent que se frotter aux Unificateurs. Un adversaire qui ne craignait ni la peur ou la pitié et dont les seuls ordres se résumaient à un programme informatique d’extermination totale du moindre signe de vie, c’était bien différent d’un ennemi de chair et de sang.

Vaincre une machine c’était comme reporter l’inéluctable. Mais davantage que la peur de mourir, c’était voir ses camarades disparaître les uns après les autres en se demandant quand son tour viendrait qui tourmentait Evey. Jetant un coup d’œil à son camarade le plus proche, elle eut une lueur de tristesse dans le regard. Les yeux globuleux, le teint crasseux et son inséparable casquette miteuse vissée sur le crâne ; le Mulot mangeait à même une cartouchière vide ce qui ressemblait vaguement à la bouillie nutritive du combattant. Tout le monde l’appelait le Mulot mais Evey était une des rares à l’appeler par son véritable nom : Jason. Âgé d’à peine dix-sept ans il était bien trop jeune pour mourir, mais la guerre ne s’encombrait pas de la jeunesse, pas plus que la mort. Son KR-47 à ses côtés, le fusil d’assaut à l’aspect antique semblait bien trop grand à côté de la silhouette chétive du Mulot. Raclant le fond de sa bouillie, le Mulot sentit le regard de sa supérieure posé sur lui. Levant timidement les yeux il lui adressa un sourire, révélant par la même sa dentition douteuse.

-Faudra qu’t’essayes de changer autant ta bouffe que les soins qu’t’apportes à tes dents Jason.

Rabattant son chèche jusqu’au nez, elle masqua ainsi le sourire espiègle qui lui était monté au visage. Inutile de montrer un quelconque aspect de douceur à son escouade. Elle était connue comme une chieuse, une rancunière, une grossière et une dure à cuir et ça lui allait très bien. Son équipe était constitué de type dans la même trempe qu’elle, en oubliant qu’elle était une femme il en fallait une sacré paire pour commander à un pareil ramassis de têtes brûlées. Evey n’avait que rarement côtoyées les autres unités ou groupes de combattants de la Résistance, mais elle avait une certitude : elle commandait les meilleurs. Ils étaient d’ailleurs tellement bons que c’était eux qu’on envoyait toujours pour le genre de mission suicide qu’ils étaient sur le point d’accomplir. Comme dégager, une énième fois encore, une route d’accès de la Résistance à Immanis. Il était connu que la Frontière recelait de multiples failles que les différents groupuscules armées de Liberia menant la lutte contre la tyrannie d’Immanisius III s’efforçaient d’exploiter.

Malheureusement ces chemins n’étaient pas inconnus des Unificateurs qui patrouillaient régulièrement. Récemment les Unificateurs se concentraient vers des zones plus importantes de la Frontière laissant les MEC se charger de la surveillance. Robots de combats d’une génération nouvelle, il existait plusieurs types de MEC. La Résistance en identifiait deux types distincts : les Volants et les Marcheurs. De plus en plus nombreux, ils étaient pour la plupart mieux armés que les soldats d’Immanis et plus performants. Ces machines n’avaient pas besoin de dormir ni de manger. Faits d’acier de carbone, le seul moyen efficace de s’en débarrasser était une puissante décharge électromagnétique. Un armement nouveau pour une menace nouvelle et qui faisait défaut à la Résistance. Seul Evey en était équipé dans le groupe. Et encore : l’assemblage rustique de câbles et de métal monté sur un chassie WR-74 n’avait que de fusil électromagnétique que le nom. Une énorme batterie était logée près de la crosse, et devait fournir assez d’énergie pour libérer un puissant faisceau électrique. Jusqu’à présent l’arme s’était montrée plutôt instable mais relativement efficace.

Son efficacité reposait sur le temps qu’on lui laissait pour se recharger entre chaque tir. Aussi, il fallait avoir une redoutable diversion et Crazy Fox acceptait mal l’idée de se servir de ses soldats comme de la chair à canon. Un nouveau cahot de la jeep la sortit de sa rêverie. Alors qu’elle s’apprêtait à protester de nouveau le véhicule s’arrêta brutalement. Le signe manifeste qu’une machine était dans les parages. Sans perdre une seconde Evey décida qu’il fallait se bouger le cul. Dégageant d’un coup de pied la trappe de sortie, elle enfila ses lunettes de protection et sortit du transport suivit de près de son escouade qui s’établit très vite en formation de tirailleur. Comme toujours le gris dominait sur la Frontière, et les immeubles délabrés en ruine ainsi que les carcasses de véhicules ajoutaient à l’atmosphère lugubre des lieux. Mettant le fusil électro-magnétique en bandoulière, la leader de l’équipe préféra s’équiper de son Jackhammer. La cracheuse de métal lui semblait plus sûre dans la situation actuelle. Les hommes n’attendirent aucuns ordres pour se déployer aux alentours et se disperser. Un groupe compact de soldat était une cible facile pour les MEC dotés de détecteurs de chaleur.

Arme en avant, Evey était suivit de près par le Mulot et Gibson. Avec son casque Skull sur la tête et son Launcher entre les bras, il ressemblait à une espèce de spationaute des temps anciens. Néanmoins la présence d’un gros calibre à proximité était rassurante. Communiquant par gestes, l’escouade évolua prudemment à travers les ruines. L’œil alerte et la respiration courte, la rouquine pouvait entendre ses battements de cœur et ses pieds crisser contre le macadam réduit à l’état de graviers. Soudain dans un hululement sinistre ils apparurent. Trois Volants armés de mitrailleuses rotatives survolèrent la zone, arrosant l’escouade qui couru se mettre à l’abri. Une pluie d’acier s’abattit sur les hommes, les balles sifflaient dans l’air et ajoutaient parfois de nouveaux impacts sur les murs. Si Evey et le Mulot furent assez rapides pour se mettre à terre, Gibson n’eut pas cette chance. Les balles perforantes eurent très vite raison de la protection sommaire que lui offrait son treillis. Le pauvre homme n’avait même pas eu la chance de faire feu.

-Allumez-moi ces enfoirés !

Joignant le geste à la parole, elle appuya sur la détente de son pistolet mitrailleur qui lâcha une salve de balles très vite rejoint par les tirs de soutient du Mulot et du reste de l’escouade. Viser était inutile lorsque l’on combattait un Volant, arroser une large zone suffisait généralement. Les balles arrivèrent très vite à bout du blindage relatif des MEC qui chutèrent les uns après les autres en flammes. La crosse contre l’épaule, Evey devait utiliser toute sa force pour compenser le recul du Jackhammer qui tressautait comme un damné dans ses bras. Elle fit bientôt signe de cesser le feu, pas la peine de gâcher des munitions. S’approchant des carcasses en flammes elle s’efforça à force de coup de crosse de s’assurer que les Volants n’allaient pas leur plomber le dos de nouveau.

-Très bien tout le monde on recharge vite fait et on…

Un bruit effroyable coupa la fin de ses paroles. Evey se figea, une coulée de sueur froide inondant soudain son dos. Son esprit était comme paralysé par le bruit annonciateur de l’arrivé d’un Marcheur. Le bruit de la fusillade avait du l’attirer ! De nouveau le fracas abominable se fit entendre, mêlés à de nombreux bruits de pistons. Se mordant jusqu’au sang, la jeune femme se força à se reprendre.
-A couvert ! On a un Marcheur au cul ! On procède comme d’habitude : on l’envoie dans une zone encombré et on l’allume ! Vous faites pas tuer !

Les soldats répondirent par l’affirmative et se dispersèrent juste à temps pour éviter un pan entier d’un mur d’un immeuble qui venait de s’effondrer sous la charge du MEC-Assaut. Armature d’acier et de fer, le robot avait une envergure qui avoisinait les cinq mètres et était monté sur deux cylindres de métal que la rouquine identifia comme des supports de déplacement, ses jambes en quelque sorte. Avançant pesamment, chacun de ses pas faisait trembler le sol et manquait de jeter au sol la jeune femme qui se traînait vers une carcasse de voiture pour s’abriter. Jetant un coup d’œil prudent elle eut un rictus de haine. Deux gigantesques mitrailleuses lourdes étaient fixés à la place de ses bras, un lance-missile prenait place sur son épaule droite alors qu’un immense projecteur, fixé sur son autre épaule, balayait les environs d’une lueur cauchemardesque. Le tronc principal de la machine était occupé par une excroissance métallique parcourus par de multiples diodes rouges. La rouquine combattait ses saloperies depuis assez longtemps pour reconnaître leur système de reconnaissance.

Au vu de son armement et de ses déplacements, celui-ci devait être de la deuxième ou troisième génération de Marcheurs. Les pires. Equipés d’un armement lourd et détecteur thermiques, il avait la réputation d’être particulièrement coriace. Arrachant son regard de la silhouette monstrueuse, Crazy Fox se colla contre son abri précaire, priant pour échapper aux détecteurs de cette abomination. Empoignant son fusil électromagnétique, elle le serra si fort que les jointures de ses doigts blanchirent. Ils allaient tous mourir ici, aucun espoir d’en réchapper. Comme hors de contrôle, ses mains étaient agitées de tremblements désordonnés. Elle accéléra son souffle et progressivement regagna son sang-froid : des vies dépendaient d’elle. Soudain dans un crépitement caractéristique la SSS-SSX entra en fonctionnement. Les soldats jouaient leur rôle. Les balles heurtèrent le blindage lourd du Marcheur sans l’entamer le moins du monde. Attirée par le bruit, la Machine mit en marche son armement noyant la zone sous une grêle de fer. Les énormes douilles pleuvaient tout autour, alors que les tirs des soldats de la Résistance se faisaient de moins en moins nombreux.

Evye fut assourdit par ce chaos et plongea au sol, suivit du Mulot complètement paniqué. Rampant jusqu’à l’entrée de ce qui avait été une tour d’immeuble, elle rentra à l’intérieur. Isolée du combat extérieur elle reprit ses esprits avant de monter à toute vitesse les escaliers branlants de la tour. Jason la couvrait du mieux qu’il pouvait. Le Marcheur tout en continuant d’ouvrir le feu avançait pour élargir son champ de tir, les signatures thermiques des membres de la Résistance était clairement visible pour lui. C’était un véritable massacre : les hommes fauchés par les tirs de gros calibres explosaient comme des fruits trop mûrs, répandant une humeur poisseuse sur les murs. Le MEC-Assaut continua son œuvre de destruction lorsque ses tubes lance-missile se mirent eux-aussi en action pour détruire leur jeep de transport. Le véhicule fit une prodigieuse envolé dans les airs, transformé en carcasse fumante. S’appuyant sur ses deux monumentales jambes, il dû franchir un obstacle inattendu que constituait un ancien mur antibruit en ruine. L’action monopolisant toute l’attention de ses systèmes il cessa de tirer. Ce fut l’instant qu’attendaient les soldats. Immédiatement le mortier mit en batterie tira deux obus qui vinrent à bout de la mitrailleuse droite du Marcheur.

Les munitions explosèrent déstabilisant l’équilibre du MEC qui vacilla un moment avant de se stabiliser. Sa mitrailleuse droite inutilisable et en flamme, il déconnecta celle-ci de son tronc principal. L’amas de ferraille chuta lourdement au sol. Assistant à toute la scène depuis le toit de la tour Evey se décida à se mettre en action. Sortant son couteau de combat elle confia son Jackhammer au Mulot avant d’enjamber la rambarde. Elle devait être à deux ou trois mètres de la machine et avec une chance unique de se le farcir. Le fusil électromagnétique dans le dos elle se lança. D’une détente spectaculaire elle quitta le toit de l’immeuble pour plonger dans le vide lame à la main. Située dans un angle mort des capteurs du Marcheur, elle échappa à sa vigilance et c’est dans un choc violent qu’elle atterrit sur l’épaule de la machine. Glissant sur l’acier elle s’aida de sa lame pour ralentir sa chute. L’acier ripant contre l’acier, creusant un mince sillon sur le blindage. Malheureusement elle était encore bien trop rapide et se retint de justesse à un câble qui dépassait de son logement. Bien en place elle plaça le couteau entre ses dents et commença son ascension vers l’unité motrice du robot.

Conscient qu’une espèce étrangère était présente sur son fuselage, la machine tentait de s’en débarrasser mais ses systèmes d’armes avaient été verrouillés pour empêcher une autodestruction accidentelle. Tel un singe savant, Evey se fraya un chemin vers son objectif sous les acclamations de ses camarades. Armant son fusil électromagnétique elle le pointa vers l’unité motrice. Assurément une décharge de ce calibre n’allait pas lui faire du bien. Priant pour que l’arme ne s’enraye pas elle appuya sur la détente. La batterie gronda et au grand soulagement de son propriétaire l’arme fonctionna. Projetant un faisceau bleuté, la décharge fut fulgurante et grilla tout à fait le système dans une succession d’explosions d’étincelles. Sous la chaleur le canon de l’arme fondit et le contrecoup projeta la rouquine comme un bonhomme de paille. C’est sans doute ce qui lui sauva la vie car le Marcheur vacilla un instant avant de s’affaisser sur lui-même et de tomber totalement dans une explosion de poussière et de débris.

Grimaçant et gémissant sous la douleur, Evey s’en tirait avec une épaule démise et sans doute une jambe cassé mais elle avait la vie sauve et une nouvelle victoire à ajouter à son palmarès. Bien triste victoire, huit bons soldats étaient morts aujourd’hui et qui sait ce qui attendrait les survivants demain. Se levant à demi, elle cracha un filet de bave et de sang mêlé. La tête lui tournait et un goût ignoble de chair brûlée lui parvenait aux narines. Sans doute une nouvelle cicatrice à ajouter à sa collection. Elle soupira et tenta de se remettre debout malgré la douleur terrible qui tiraillait tous ses membres. Le Mulot vint bientôt l’aidé et le reste de l’escouade finissait d’achever le Marcheur en se félicitant à grand renforts de cris de joie. La jeune femme retira son chèche de son nez et prit une large bouffée d’un air lourd et pollué mais qui lui rappela qu’il était bon de se savoir en vie. Le cadavre de Gibson gisait non loin, sa cervelle maculant le sol. Alors elle laissa son esprit s’interroger. Elle savait que le fait que ce soit Gibson et non elle qui gise au sol tenait à peu de chose. Alors elle se souvint, ce qui l’avait amenée ici. C’était une longue histoire…

« Tu ne tueras point »

Le crescendo des rafales de Syndrom se mêlait aux détonations des grenades et aux hurlements d’horreur des civils innocents qui mourraient sous les balles des Adeptes. Nettoyant pièce par pièce, immeuble par immeuble, rue par rue, les Adeptes n’épargnaient personne. Le Guide Suprême avait décrété que la zone sud-est de Liberia appartenait à Esprit, tout païen qui tentait de s’installer ici devait être exécuté. La tâche avait été confiée aux nouveaux Adeptes. Âgés d’une dizaine d’années les groupes d’enfants en armes ne semblait éprouver aucune pitié ni aucune hésitation, seul une lueur fanatique dominait dans leur regard. Ils avaient l’occasion de faire leurs preuves et de montrer qu’ils étaient dignes d’être appelés Adepte ! Une nouvelle explosion fit trembler les murs branlants de l’immeuble C, signe qu’une nouvelle pièce venait d’être nettoyée de la souillure des infidèles. Courant à travers les rues, les enfants achevaient les rares survivants d’une balle dans la tête.
Les brasiers déclenchés par les explosions faisaient régner une chaleur insupportable. Les corps encore sanglants étaient empilés les uns sur les autres par les mains maladroites des jeunes Adeptes qui préparaient des bûchers funéraires.

Des hommes furent collés sans ménagement contre un mur avant d’être abattus d’une rafale de Syndrom. L’odeur du sang alourdissait l’air alors que la folie ambiante ne cessait de grimper, ne rendant la tuerie que plus atroce encore. Non loin de là une rouquine qui ne devait pas avoir plus de neuf ans se tenait l’air tremblant près d’une jeune femme encore habitée de quelques soubresauts de vie. Les bras le long du corps, de nombreuses éclaboussures de sang avaient souillés sa tunique blanche ainsi que ses membres. Sa main d’enfant agitée de tremblements tenait fermement un Hellman dont le canon était encore fumant. Immobile, elle ne semblait pouvoir se résoudre à achever sa victime. Toutes ses cibles étaient mortes sur le coup auparavant, il ne lui semblait pas naturel que celle-ci soit toujours en vie. La détresse commença à la gagner lorsqu’un jeune garçon un peu plus âgée la secoua par l’épaule en l’apostrophant violement :

-Que fais-tu Evey ? Achève-la !
-Je…je…balbutia l’enfant.

Poussant la gamine sur le côté il acheva la jeune femme d’une balle dans la tête avant de ranger son Scorpio et d’éloigner la dénommée Evey du cadavre. La tenant par la main il essaya de lui faire reprendre ses esprits. Autour d’eux les groupes se reformaient et peu à peu la tuerie cessait, les cadavres cessaient de s’amonceler tandis que l’odeur de la chair carbonisé porté par les effluves écœurantes des bûchers funéraires. Peu à peu les nouveaux Adeptes émergeaient de leur frénésie sanguinaire. Certains s’affaissaient sur eux-mêmes ne pouvait croire ce qu’ils venaient de faire, tandis que d’autres récitaient des prières dans des murmures inaudibles. Soudain une immense lueur d’un projecteur illumina la foule qui s’exclama. Une troupe armée et masquée se fraya un chemin dans la foule d’enfants, escortant visiblement une personnalité importante elle aussi masquée. Arrivé au centre de la pièce, celle-ci monta sur un marchepied et commença son discours :

-Adeptes ! Mes enfants ! Ma chair ! Mon sang ! Dès aujourd’hui vous faites partie de notre Eglise ! Esprit vous accueille en son sein ! Louez soit le Guide Suprême !

L’acclamation fut reprise en chœur par la foule qui scanda son nom et tira quelques coups de feu en l’air en signe de joie. La jeune fille ne réagissait pas malgré les empressements de son jeune protecteur. L’orateur continua son discours.

-Aujourd’hui des infidèles qui avaient eu l’audace de souiller la terre appartenant à notre communauté ont été châtiés ! Ce ramassis de faibles et de parasites croyaient pouvoir profiter de nous ! Grâce à votre dévouement et vos sacrifices vous contribuez à la bonne poursuite du Grand Avènement ! Louez soit le Guide !

Telle une incantation, le nom du Guide Suprême fut porté aux nues tandis que la foule convergeait pour repartir vers le campement. La rouquine n’avait pas esquissé un seul geste, ses mains avaient cessés de trembler et elle se serrait à présent contre la jambe de son protecteur qui lui passait la main dans les cheveux. Levant des yeux timides vers lui elle sanglota et enfoui son visage dans son pantalon crasseux. Se mettant à la hauteur de la petite fille, il saisit son visage entre ses mains et la fixa ses yeux rougies par les larmes. La gamine renifla et gémit pitoyablement :

-Je veux maman !
-Ce n’est pas possible Evey. Papa et maman nous ont quittés pour rejoindre le Jardin d’Eternité. Nous irons tous là-bas une fois notre devoir accomplis et nous reverrons papa et maman ! En attendant je veillerais sur toi petite sœur ! Il ne t’arrivera rien, je te le promets.

Serrant contre lui la petite rouquine, il s’empara de son arme avant de remettre le cran de sureté et de la mettre à sa ceinture. Séchant les yeux de sa petite sœur, il lui fit un sourire et la prit par la main. La petite fille qu’elle était alors ne se doutait pas que son frère allait mourir dans cinq ans en tentant de la protéger. A Liberia, même le Guide Suprême ne pouvait prémunir qui que ce soit de la fatalité. Mais ça elle ne l’apprit que bien plus tard…

« Tu ne voleras pas »

-C’est à moi raclure !
D’un violent coup de coude, la gamine repoussa l’énième assaut d’un effrayant dogue sauvage qui tentait à force de coups de griffes et de crocs de lui dérober son déjeuner qui se résumait à un rat à demi-cuit. Le reste de sa nourriture dans la main gauche, une lame rudimentaire dans la main droite elle faisait face à l’énorme chien qui lui tournait autour en grognant. Brusquement, le dogue se jeta en avant, babines retroussés avant de couiner lamentablement lorsque le fer de la lame lui perfora les boyaux. Jeté violement à terre, la gamine s’acharna longtemps sur le cadavre de la pauvre bête bien après que la vie eut quitté son corps. Le souffle court, son visage crasseux éclaboussé de sang, elle haletait mais on pouvait lire la satisfaction d’une victoire durement acquise dans son regard. Jetant le reste de son rat, elle traîna la dépouille du dogue vers son terrier. Chargeant le cadavre puant sur ses frêles épaules elle se mit en marche. Les loques qui lui servaient de vêtement collaient à sa peau, tandis que le châle poisseux dont elle s’entourait la tête devait grouiller de vermine. L’entaille profonde provoquée par son affrontement avec son féroce adversaire devait déjà être entrain de s’infecter.

Mais la rouquine n’avait cure de son apparence physique. Dans son monde, la vie se résumait à survivre : tuer ou être tuer. Dans une ville où elle pouvait être violée ou tuer au moindre coin de rue, l’hygiène n’était pas son soucis principale. Arrivant dans la rue marchande elle mit ses sens en alerte. Avec ses quatorze ans et son air de frêle jeune fille il avait toujours un connard pour essayer de profiter d’elle. Même avec sa couche de crasse et ses cheveux rougeoyants collés par la saleté elle restait dotée d’un charme indéniable qui en excitait plus d’un. Cette beauté sauvage naturelle qu’elle avait héritée de sa mère qui avait coûté la vie à son frère. La nuit de son meurtre continuait à hanter ses rêves. Alors qu’ils étaient encore Adeptes à Esprit, quelques membres du Cercle Supérieur avaient voulu profiter de la jeune fille, son frère s’était interposé et avait été abattu. Au souvenir de son corps criblé par les balles une haine sans borne la saisit à la gorge. Ces connards de fanatique paieraient tous jusqu’au dernier !

Le regard fauve elle défiait quiconque de l’approcher. Le poids du Thorn qu’elle gardait dans sa poche intérieure lui donnait un peu de cran et de confiance, assez pour oser traverser la rue. Les armes étaient rares pour une paumée comme elle et les munitions encore plus, elle avait dépouillé un cadavre qui n’en avait plus vraiment besoin. Elle parvint enfin à son squat : une autre chose pour laquelle elle avait dû se battre. Généralement les drogués étaient les moins combatifs, il suffisait de se pointer pendant qu’il planait et leur faire un deuxième sourire. Bien sur, ils se rassemblaient parfois en groupe pour éviter ce genre de situation ou se rendait dans des fumeries relativement sécurisés. Le tout était donc de dénicher le bon poisson. Certains drogués pouvaient être armés et d’autres…plus réticents. Poussant la porte de l’appartement miteux elle referma la porte avec soin avant de la barricader de nouveau. Elle savait que ce n’était qu’une question de temps avant que quelqu’un vienne la déloger d’ici ou qu’un gang vienne lui réclamer un loyer. Mais pour l’instant elle comptait profiter de son toit.

Chose rare : elle avait l’eau courante et même si elle ne pouvait se permettre de se laver elle pouvait au moins boire. Posant la carcasse du chien près d’un foyer éteint, elle s’en alla prendre un verre d’eau en retirant le filtre auparavant. Se débarrassant de ses loques, elle observa ses blessures et grimaça en découvrant les dégâts. La saloperie l’avait bien amochée ! Mais elle n’avait pas les moyens de se soigner, elle allait devoir se contenter d’une désinfection sommaire et de recoudre. S’emparant d’une bouteille d’alcool à demi-vide, elle en versa une bonne rasade sur ses blessures avant de hurler de douleur. Les larmes lui vinrent aux yeux et elle s’employa à recoudre les entailles à l’aide d’une aiguille qu’elle venait de stériliser. Perçant la peau à vif elle serra les dents et termina bientôt son petit travail. Elle appliqua un bandage sur les coupures situées sur sa hanche et se revêtit d’une nouvelle tenue. Revenant à la carcasse du chien elle se prépara à s’occuper du cadavre : le vider, découper la chair…Un travail peu ragoûtant mais qui allait lui permettre d’étancher sa faim pendant un moment. Soudain des exclamations lui parvinrent du couloir, levant les yeux inquiets elle se saisit de son couteau.

Un gang ? Des drogués ? Ou bien quelqu’un qui venait déloger un autre occupant ? Qui que ce c’était, elle n’était pas de taille. Elle était une battante, mais pas une suicidaire. Roulant en boule ses modestes possessions dans un sac de toile, elle hésita à abandonner son repas lorsque sa porte fut défoncée brutalement. Chutant lourdement dans un nuage de poussière, les barricades avaient volées en amas d’échardes, les serrures défoncées. Une troupe d’hommes en armes pénétra dans la pièce, aveuglant la gamine avec leurs lampes torches. Ils semblaient mieux organisés qu’un quelconque gang et à la recherche de quelque chose de précis. Instinctivement la rouquine mit les mains en l’air. L’appartement fut intégralement retourné.

-Aucune trace de drogues ou autres articles illicites lieutenant ! C’était le dernier bloc, le quartier a été bouclé !
-Parfait sergent, exécutez les meneurs et emprisonnez moi les autres, un petit séjour au frais leur fera du bien.

L’homme avait parlé avec un ton autoritaire qui n’autorisait aucunes répliques, un homme important sans aucun doute. Pointant leurs armes sur la jeune fille paniquées, les miliciens attendaient les ordres.
-Qui est cette jeune fille sergent ?
-Une civile qui occupait les lieux lieutenant !
-Seigneur…Et dire que certains raconte que Liberia est civilisé. C’est quoi ton nom petite ?

La rouquine jeta des coups d’œil paniqués, les lueurs aveuglantes des lumières l’empêchait de voir son interlocuteur mais elle répondit avec tout l’aplomb qu’elle pouvait avoir :

-Evey m’sieur ! Et vous et vos hommes venez d’empiéter sur ma propriété ! Milice ou pas on entre pas comme ça chez les gens !

Avec de telles paroles elle venait sans doute de sceller son sort. Fermant les yeux elle attendit l’inévitable pluie de plomb qui allait venir lui trouer le corps. Après tout c’était une juste punition, elle avait elle-même tué plusieurs innocents lorsqu’elle était une Adepte. Mais ce ne fut pas le bruit des balles déchiquetant sa chair qu’elle entendit mais un rire tonitruant.

-Tu m’plais bien p’tite ! On en fait plus des femmes comme toi ! Avec du caractère ! Hein les gars ? Allez viens avec moi Evey on va essayer de te trouver de quoi manger…et te laver.

Réticente, la jeune fille hésita. Ce n’était pas la première fois qu’on lui faisait ce genre de proposition et généralement ça ne finissait pas très bien. D’un autre côté ils avaient leurs armes pointés sur elle.
Soudain une silhouette apparu devant elle. Elle su que c’était la voix. La dominant de toute sa hauteur, une large cicatrice lui barrait le visage. L’allure sévère et hargneuse, on pouvait voir qu’un gros calibre pendait à sa ceinture. Se mettant à la hauteur de la gamine il lui frotta les cheveux.

-J’suis pas l’genre d’enfoiré qui fait du mal aux gosses petite, j’vais essayer de m’occuper de toi du mieux que j’peux.

A son regard et à son ton, Evey su qu’il disait vrai et sa tentative de sourire se révélait plus effrayante qu’autre chose. Elle hocha la tête et suivit l’officier vers un avenir incertain mais qu’elle espérait meilleur que sa vie actuelle.

Le vert dominait en ces lieux. Un océan de verdure dense s’étendait à perte de vue. Les seuls bruits perceptibles qui venaient troubler la quiétude de la forêt étaient ceux de la faune environnante. Ainsi les piaillements des oiseaux s’alternaient avec les grondements de quelques grands fauves carnivore des environs. Un second Eden vierge de toute trace humaine…ou presque. La sérénité de la jungle luxuriante fut bientôt troublée par une succession d’explosions assourdissantes qui soulevèrent plusieurs kilos de terres sèches dans des geysers impressionnants.
Les yeux rivés sur la vision que lui offraient ses jumelles, Evey regardait avec un plaisir non dissimulé le convoi d’Unificateur essayer de se frayer un chemin à travers le champ de mine qu’elle et ses hommes avaient installée la nuit dernière dans leur retraite. Malgré le camouflage très efficace de leurs tenues de combat, leurs silhouettes se découpaient parfaitement pour les yeux experts de la rouqine. Gesticulant dans tous les sens, les officiers complètement paniqués donnaient des ordres incohérents qui ne faisait qu’ajouter au nombre de victimes. Le camion de tête, transportant une imposante pièce d’artillerie, s’avança prudemment entouré d’une escouade complète d’Unificateur.

Ses imposantes chenilles cloutés résista sans mal aux mines-antipersonnel et le peu de mines anti-chars que les commandos d’Âme Libre avaient installés avaient déjà explosés, entraînant un véhicule blindé avec elles. Dommage, elle aurait voulu garder son atout plus longtemps. D’une simple pression sur une télécommande, la bombe placée à plusieurs mètres de là explosa dans une détonation cauchemardesque arrachant les membres des pauvres soldats et sortant une chenille de son logement. Evey grogna de mécontentement, le véhicule était juste immobilisé mais pas détruit. Sans laisser le temps à l’adversaire de se réorganiser elle passa à la suite des opérations. Quittant son poste d’observation, elle gagna le front de la crête son SUB-9 à la main. Les soldats d’Âme Libre étaient déjà en position : allongés par terre ils avaient un parfait champ de tir sur les cibles. S’approchant des servants du Rapace elle leur donna des ordres précis accompagnant ses paroles d’un geste de la main :

-Vous m’arrosez le côté nord-est pour leur couper la retraite ! Nous on s’occupe d’ les canarder sur toute la longueur du convoi ! J’veux qu’ça pète !

Hurlant un cri de guerre les hommes commencèrent à faire pleuvoir une pluie de tirs. Un rideau d’acier faucha les Unificateurs trop lents pour se dégager ou encercler par les mines. Le convoi d’armes qu’ils avaient détournées et pillées hier leur avait permis de s’armer plus efficacement que jamais. Lâchant salve sur salve, le Rapace cribla de balles les fuyards. Creusant des cratères sur les corps, la mitrailleuse lourde n’épargnait personne. Agréablement stable sur son trépied en acier, le massacre qu’elle semait dans les rangs ennemis valait l’effort qu’ils s’étaient donnés pour la monter en haut de la crête. La mitrailleuse tressautait dans les bras d’Evey qui venait d’abattre un nouvel Unificateur d’une balle en travers la gorge. Ayant réglé son arme au coup par coup elle s’efforçait de viser les officiers. Le convoi était presque annihilé, le canon avait été abandonné les servants ayant été éliminés. Une nouvelle victoire semblait s’annoncer pour les terroristes d’Âme Libre lorsqu’un pan de la falaise où ils se trouvaient s’écroula soudainement. Le glissement de terrain se poursuivit, entraînant deux hommes avec lui qui s’empalèrent sur les arbres en contrebas.

Reprenant ses jumelles, la rouquine sentit un frisson de terreur pure la parcourir lorsqu’elle distingua les formes agressives caractéristiques de deux armures Blackhawk. Un tel déploiement de matériel n’était pas étonnant, ils étaient proche d’Immanis après tout. Pointant son lance-missile sur la crête la première armure lâcha une nouvelle flopée de roquettes explosives. Ils n’étaient pas de taille à lutter contre ces monstres. Rechargeant son fusil elle s’adressa à ses hommes :

-On a deux Blackhawk à six heure ! On se tire d’ici ! Dispersion dans la jungle, on se rejoint au point Alpha 3 !

Disposant d’une ligne de tir imprenable et d’une puissance de feu impressionnante les deux armures pilonnèrent leur positon. La jeune femme poussa au cul ses hommes pour les forcer à se retirer au plus vite, son père lui avait appris à ne laisser personne derrière soit. Evitant les rafales d’automatiques les soldats tentaient de se fondre dans la jungle luxuriante. Malheureusement pour eux les senseurs actifs des machines de combats étaient bien assez modernes pour pouvoir suivre des cibles aussi évidentes.
-Allez on se bouge le cul !
Encourageant ses hommes du mieux qu’elle le pouvait, Evey tirait parfois quelques rafales dans une réplique dérisoire. Les balles ne faisaient que ricocher sur les cockpits blindés, ne donnant aux pilotes que davantage d’informations sur leurs positions. La Jungle restait cependant un terrain peu praticable pour les machines de guerre lourde et cela valait même pour les armures de combats qui étaient ralenties par les arbres. Cette gêne naturelle allait pouvoir leur permettre de mettre suffisamment de distance entre eux et ces horreurs. Soudain le lance-roquette lourd tira. Le missile à charge creuse laissa un sillon de feu dans l’atmosphère avant de raser littéralement une partie de la végétation. Jetée à terre par l’explosion, la jeune femme peinait à se remettre debout. Tout n’était plus que chaos et désordre autour d’elle. Ses oreilles sifflantes percevaient à peine les cris de douleurs et de détresse de ses hommes. Rampant à même la terre elle s’aperçu bientôt qu’elle avait été séparée de son groupe. C’était mauvais. Privé de coordination ils n’allaient pas mettre longtemps avant de se faire exterminer. D’un autre côté cela forcerait les machines à se séparer.

La terre brûlante lui collait à la peau et la peur paralysait tous ses membres. Seul son instinct de survie la poussait à continuer sa progression. Les tirs de mitrailleuse fusaient de tout part, abattant des arbres et creusant des sillons dans la terre retournée par les explosions. Malgré l’état de panique dans lequel elle se trouvait, elle estimait qu’un marécage ne devait pas se trouver très loin. Un allié naturel de poids face aux Blackhawk. Les capteurs des machines ne la repéreraient pas une fois dans l’eau. Redoublant d’efforts elle continua à ramper à s’en faire saigner les coudes, son arme dans le dos elle savait bien que celle-ci ferait une défense bien faible face à l’armement lourd des machines de combat. Enfin le marécage était en vue ! Mobilisant sa volonté elle se leva à demie et sprinta jusqu’à l’eau jaunâtre. Les machines sur ses talons, elle distingua furtivement d’autres membres de son unité qui avaient eu la même idée.
Plongeant la tête la première dans l’eau puante, elle évita de justesse une traînée de balles traçantes. L’eau était étonnement fraîche mais aussi poisseuse qu’on aurait pu le penser. Emergeant à la surface pour prendre une bouffée d’air elle replongea aussitôt. Elle laissa son fusil couler au fond, l’amas de métal aurait pu l’entraîner. Bientôt elle sentit la présence d’autres corps étrangers sur le sien. Des sangsues, des araignées des marécages ou d’autres parasites. Si les Unificateurs n’avaient pas sa peau, la Jungle ne la manquerait pas. Elle connaissait bon nombre d’hommes qui avaient succombés aux dangers de la Jungle qui se révélaient bien souvent plus dangereux et plus vicieux qu’une balle. Une traînée de balles traçantes pénétrant dans l’eau l’obligea à trouver un abri au plus vite. Un amas de roseau se dessinait non loin et lui permettrait de se dissimuler en attendant le passage de ses foutus tas de ferrailles. Discrètement, veillant à ne créer aucunes ondes dans l’eau, elle refit surface cachée par les roseaux. De son point d’observation elle pu assister à l’exécution sommaire du reste de son escouade.

Les enfoirés n’y allaient pas dans la demi-mesure. Bien vite il ne resta que des corps sanguinolents des membres d’Âme Libre. Des hommes avec lesquels Evey avait vécue, combattus et connus les pires épreuves. Cependant la vague de peine qu’elle ressentit fut vite étouffé par la peur lorsque son esprit se rendit compte qu’elle était seule à la merci de deux armures mécanoïdes surarmés. Elle essaya d’évacuer son stress à l’aide d’une parodie d’exercice respiratoire. Elle savait que non loin se trouvait Alpha 3, autrement dit un couvert sûre constitué d’un réseau de tunnels qui lui laisserait le temps de s’enfuir. Il n’y avait qu’un hostile dans son champ de vision, le deuxième Blackhawk devait patrouiller plus loin. Face à une batterie d’armes mortelles elle se retrouvait avec son couteau de combat et…une grenade à fragmentation. Un outil qui pouvait être un avantage si la poudre rudimentaire qui la composait n’avait pas été noyée. Rassemblant ce qui lui restait d’audace elle se dit qu’il valait mieux tenter le tout pour le tout que crever dans une mare putride, sucée jusqu’à l’os par toute la vermine de la Jungle.

Son inespéré camouflage thermique composé de glaise puante lui assurerait un sauf conduit jusqu’à la machine. Le reste allait être plus délicat. Se roulant à même la terre, elle rampa droit vers la terrifiante machine. Sa bouche agitée de tressautements nerveux murmurait ce qui semblait ressembler à une prière. Encore deux mètres…un…elle y était…morte. La mitrailleuse lourde située sur son épaule gauche pointait son canon vers elle, il suffisait d’une simple pression du pilote pour réduire ce qu’il restait d’elle à de la charpie pour croco. Heureusement, le pilote bien trop confiant en ses capteurs dédaigna ce qui ne semblait être qu’une souche d’arbre. Contournant la machine, Evey se jura que si tout ce merdier réussissait elle payerai un verre à cette traînée d’Eva. Elle pouvait à présent voir les différents câbles et le moteur directionnel de l’armure. Levant la grenade à hauteur de son visage elle adressa une courte prière et dégoupilla l’engin. Elle attendit quatre secondes avant de fixer proprement l’explosif sur la partie la plus exposée et de se jeter à terre.

L’explosion tant attendu n’arriva pas. L’explosif avait bel et bien été noyé…S’en était fait pour elle. Peut être pouvait-elle encore…Un bruit de fracas métallique la força à lever le regard pour voir la mitrailleuse légère du cockpit se diriger vers elle. L’opérateur avait fini par comprendre qu’elle était bel et bien vivante. Fermant les yeux, la rouquine attendit la rafale mortelle. Brusquement l’appareil se mit à gémir comme sous le coup de quelque choc violent. Rouvrant les paupières, la jeune femme éclata d’un rire nerveux lorsqu’elle s’aperçue que ce foutu explosif avait enfin daigné exploser ! La machine avait des difficultés à se mouvoir et à se repérer dans l’environnement. Evey le laissa se débrouiller trop heureuse de foutre le camp. Une fois encore elle s’en tirait vivante, mais cette fois elle laissait une dizaine de cadavres de ses camarades derrière elle.

Assise sur un fauteuil craquant au moindre de ses mouvements, Evey se lassait de se demander combien d’heure le jus de chaussette, posé devant elle, qu’on essayait de faire passé pour du café avait été infusé. Cependant ce n’était pas de café que la rouquine avait besoin actuellement mais d’un bon verre d’alcool fort. Déjà deux heures qu’elle était dans ce café minable et ses cauchemars revenaient la hanter. Elle serra brusquement le poing pour en faire cesser les tremblements et décida une énième fois de passer les environs du bar en revue. Mis à part le patron à l’allure pataude et lourde qui s’affairait à emplir de crasse un verre à l’aide d’un chiffon sale, il n’y avait personne d’autre. Aucun autre client, voyageur ou même paumé désœuvré. Ce qui en soit n’était pas étonnant au vu de la tenue plus que miteuse de l’établissement dont le seul avantage résidait en son immense baie vitrée qui tenait place de mur extérieur, et contre lequel elle était assise. La jeune femme s’étonnait de la netteté du verre. Malgré son emplacement profond dans les Bas-Fonds, la devanture n’avait subis aucuns dommages. Aucune fissure, aucuns graffitis ou aucune sorte de dégradation volontaire.

Cependant au vu de la vue que cette devanture offrait, on comprenait qu’il n’y avait nul besoin de l’abîmer. Les Bas-Fonds n’étaient pas vraiment un lieu idéalement touristique. Evey connaissait cependant assez bien cet endroit depuis qu’on lui assignait des misions qui concernaient uniquement ce secteur d’opération. Le fiasco de la Jungle avait décidé les gros bonnets d’Âme Libre à la mettre au repos pendant un temps. Une « période de repos » qui rimait avec « placard » pour la jeune femme. Elle n’avait pourtant pas songée contester la décision, d’un certain côté elle ne se sentait pas encore prête à retourner sur le terrain…à revivre ça. Tout soldat vivait avec sa part de peur et de remords, la rouquine commençait à penser qu’elle avait peut être atteint son quota. Mais plus que tous ces sentiments cuisants, la culpabilité la rongeait. Son père l’avait prévenu que c’était ce qui guettait la plupart des meneurs et c’était ce qui l’avait fait sombrer dans l’alcool. Mais elle se savait une fille forte et elle savait que pour son bien elle devait aller de l’avant. C’était uniquement grâce à cette résolution qu’elle avait entrepris d’accepter ce rendez-vous mystérieux.

Dans tous les cas elle se demandait si on ne se foutait pas un peu de sa gueule. Déjà une heure de retard, dans d’autres circonstances elle serait déjà partie. Alors qu’elle regardait une nouvelle fois sa montre une troupe en civil entra dans le bar en adressant un signe de connivence avec le barman. Indéniablement armée, s’ils espéraient faire preuve d’une quelconque discrétion c’était foutu. Néanmoins ils faisaient preuve de plus d’imagination que les Unificateurs en infiltration pour ce qui était des tenues. Se disposant aux quatre coins du bar, ils n’adressèrent pas la parole à Evey et ne lui accordèrent aucuns regards, de quoi être blessant. Un individu se départagea alors du lot. Habillé d’un veston en cuir bordeaux, son style s’arrêtait à cet unique oripeau. Un short gris qui lui arrivait aux chevilles et un stupide bob venait gâcher le tableau. Une sucette dans la bouche il s’assit face à la jeune femme et se contenta de la regarder fixement en susurrant sa sucrerie. La jeune femme décida de jouer la carte de l’insolence, jusqu’à maintenant ça lui avait toujours réussi et ça lui collait bien.

-Désolé mon vieux, j’attends quelqu’un mais tu trouveras le quartier des putes deux rues plus bas.

La réaction de son interlocuteur ne fut pas celle escompté puisqu’il éclata d’un rire sardonique extrêmement déplaisant à entendre. Il arrêta de lécher sa sucette qu’il emballa avec soin sans faire attention aux regards de la rouquine. L’ancienne commando d’Âme Libre nota que le type n’était pas armé et qu’il devait avoir dans la trentaine. Son instinct cependant lui criait que ce mec donnait une image de lui qui n’avait rien à voir avec la réalité. Soudain il se mit à parler, une voix pondéré et calme.

-Votre sens de l’humour est également ce qui a retenu notre attention vous savez mademoiselle Evey « Crazy Fox » Nails ancien sergent des Diables Verts d’Âme Libre. Vous possédez une chose qui nous intéresse beaucoup.
-Putain t’es qui rigolo ? Et c’est qui ce « vous » ? Pourquoi t’es arrivé avec autant de retard ? A quoi ça rime tout ce bordel ?
-Beaucoup de questions mademoiselle Nails mais patience tout vient à point à qui sait…

La rouquine dégaina son Hellman à la vitesse de l’éclair avant de le pointer sur le front du type au bob. Dans la seconde qui suivit elle fut mise en joue par une dizaine d’armes, même le barman avait sortit un Shooter de sous son comptoir et contrairement à ce qu’elle avait pensée ils semblaient savoir s’en servir. Son mystérieux interlocuteur ne perdit pas son sang-froid et repris en la fixant dans les yeux.

-Je vous déconseille de faire cela mademoiselle Nails, je ne tiens pas à mourir vous nous plus et le bar n’est déjà pas très propre. Voyons je peux répondre à une partie de vos réponses : pour vous je serais Yuri, je vous ais donné rendez-vous ici car je veux vous engager. Votre savoir-faire et votre expérience m’intéresse.
Il fit une pause et repris.
-Les personnes que vous voyez autour de vous sont tous des soldats d’élites aux passés et origines divers et variés, mais tous ont compris que seul notre organisation n’avait jamais perdu le véritable but.
-Qui est quoi ? S’enfiler tous les soirs ?
-L’assassinat d’Immanis III et la destruction des institutions d’Immanis. Nous connaissons tout de votre passé Evey. Votre place n’est pas ici, Âme Libre ne se rend pas compte du potentiel qu’elle gâche et nous vous offrons de revenir sur le terrain.
-Je n’ai pas envie d’aller me faire trucider pour des gens que je ne connais même pas.
-Vous croyez que les anciens membres de votre unité savaient pourquoi ils combattaient ?
Un froid fut jeté et elle accentua la pression de son révolver sur le front de Yuri.
-Fermez votre gueule.
-La mort de vos camarades n’est pas votre faute Evey.
-J’ai dit ta gueule !
-Il est temps de cesser de s’apitoyer, on n’avance à rien sans sacrifices !

Au même moment où elle allait se résoudre à appuyer sur la détente Yuri décala le canon de son arme en empoignant fermement son bras. Il avait agit avec une rapidité et un sang froid proprement inhumain. La balle creusa un creux dans le cuir du fauteuil. Ne pouvant se dégager de la prise d’acier de son interlocuteur, celui-ci appuya sur un nerf précis de sa main qui la força à lâcher son arme qu’il récupéra avant d’enlever le chargeur et de jeter le pistolet au loin.

-Vous n’aimez pas mon discours parce qu’il vous rappelle ceux des fanatiques d’Esprit n’est-ce-pas ?
-Vous ne savez rien de moi connard.
-Peut être…peut être pas…et je n’en ai rien à foutre. Vous êtes utile Evey Nails, votre but est le même que le notre. Faites votre choix : rester moisir dans les Bas-Fonds et recevoir une balle dans le dos ou nous rejoindre pour vous battre à côté de camarades pour une cause noble.
Elle eu un reniflement de mépris.
-Et vous êtes qui ?
-C’est oui ?
- Oui merde, de toute façon avec vos gusses autour j’ai pas trop le choix.
-Nous sommes la Résistance.

Elle eu un mouvement de recul. La Résistance était un mouvement qui avait sensiblement les mêmes objectifs qu’Âme Libre mais ils s’y dédiaient totalement et le secret qui les entouraient était immense. Se levant pour lui faire face, il remit sa sucette en bouche et lui tendit la main :

-Bienvenue dans la Résistance Evey Nails.

J'en suis au Chapitre III. Très beau travail ! Sublime même ! Et inutile de le cacher, j'aime la secte Esprit ! XD

Je pense même leur accorder un sujet dans la database prochainement... Bref, je m'occupe de MJ un peu le forum et je viens finir la lecture.

Au passage, comptes tu garder Andreï ou l'abandonner à son triste sort ?

Je sais que je n'aurais ni le temps ni l'envie de continuer à jouer Andreï et puis si je veux m'engager avec quelque chose de sérieux avec ce perso mieux vaut me concentrer uniquement sur lui. Donc c'est avec tristesse que je dis au revoir à mon chasseur Inspecteur blond T.T. J'espère qu'il aura une mort honorable (évitons qu'il se noie dans une flaque, dans son propre vomis ou dans la cuvette des toilettes). Merci.

Disons qu'il en est arrivé au bon moment pour mourir... Mais si tu le préfères, je le bascule en PNJ, il pourrait toujours m'être utile un de ces jours !

Bon, je n'ai pas fini ta fiche de personnage, mais je sais d'ores et déjà qu'elle est validée ! Donc en attendant que je finisse tout cela, tu peux mettre ta fiche de gestion en ligne !

Comme tu abandonnes Andreï, tu peux commencer avec un peu plus qu'un jour ordinaire.

Poste ton équipement (deux ou trois armes) tout en restant raisonnable (je corrigerai si je le veux !), tu commenceras avec 3.500 livres. Tu récupères également les 5 points de capacités d'Andreï.

Comme ta fiche de présentation est conséquente (et très bien écrite), et que j'ai plutôt été radin en points avec Andreï, je t'en rajoute cinq autres.

Soit un total de 10 points de capacité pour commencer !

Ouah merci beaucoup ^^ (ça va dire que ma petite rouquine va bien morfler après xD). Tu peux garder Andreï comme PNJ si tu veux, pas de problèmes.
Encore merci.

J'ai fini la lecture ! Ton lieu d'apparition ?

Très bonne fiche en tout cas... Je pense qu'Evey est promise à un grand avenir dans la Résistance...

Je pense faire ma fiche de perso, finir ma description psychologique dans la journée. Pour ce qui est du lieu d'apparition ça se fera dans la Frontière si possible avec mon escouade (histoire de bien être dans le bain).

Fiche validée !

Note au passage (inutile de corriger) : Âme Libre n'est pas organisée de manière militaire, il n'y a pas de lieutenants dans ses membres.

Je commence la rédaction du sujet d'intro !