Visite touristique [Jarel]

SUJET PRÉCÉDENT

La Vieille Ville était nettement différente de la zone hostile, elle était nettement plus calme, et moins urbanisée. La zone était éclairée d'une lueur verdâtre, et presqu'aucun bâtiment ne s'élevait plus haut que le cinquième étage, les immeubles supérieurs ayant été détruits par le temps.

Contrairement à la zone hostile, la nature était omniprésente, que ce soit à travers les immenses roches qui s'élevaient ça et là, abritant parfois les tanières d'animaux étranges et inquiétants, ou à travers la végétation, qui s'emparait de chaque chose. Une sorte de mousse recouvrait le sol, et des lierres s'emparaient des façades de la plupart des immeubles.

Des hurlements de loups se firent entendre au loin. 41 agrippa son Rapace.

- J'aime pas ça boss ! Les humains, je devine toujours leurs sournoiseries, mais les bêtes... C'est plus... Vicieux, plus rapide... Un peu comme la chose qui a choppé 123, ma main à couper qu'elle n'avait rien d'humain !


Et pourtant, même si la zone grouillait d'animaux, l'escouade avait clairement vu un pickup et deux blindés s'y diriger, signe que les rebelles y préparait quelque chose. 129 s'abaissa, désignant des traces sur le sol.

- Des traces de véhicules... Ils vont vers le Nord-Est.

42 fit mine de réfléchir tout en observant les traces.

- Rien d'étonnant boss ! Ils se dirigent vers la limite du Grenier... Sans doute vont ils chercher un accès dans la paroi rocheuse... On pourrait faire d'une pierre de coup : buter les ennemis et quitter la zone !

41, le dépassant, lui asséna une violente claque sur la tête.

- Bien entendu ! A cinq contre deux blindés on à toutes nos chances !

- Et calmos mec ! Murray a dit qu'il nous enverrait une équipe de forage depuis la Frontière. Ces abrutis de rebelles essaient de monter, l'équipe de forage leur tombe dessus, ils veulent faire machine arrière et là : BOUM ! On leur tombe dessus ! Un plan d'enfer !

- Tu joues trop aux jeux vidéos !

Il y eut soudain un coup de feu. Tous se mirent à couvert le plus rapidement possible. Les minutes passèrent lentement, le bruit du fusil s'estompant peu à peu dans la tête des soldats.

- C'était sûrement qu'un chasseur boss...

Se permit de chuchoter le sniper, allongé à quelques mètres de Jarel. 129 l'observa un moment avant de rétorquer :

- Encore faut-il savoir ce qu'il chassait...

Des grognements se firent alors entendre au loin, derrière les soldats. Des grognements en nombre. 41 tourna la tête pour voir leur provenance, se levant soudainement en criant.

- Il chassait ça ! Bordel levez vous !

Une meute de loups enragés se ruait sur l'escouade. Certains étaient de taille normal, d'autres étaient de vrai molosses au poil noir hérissé. Il devait y en avoir une vingtaine.

HJ :

Ton repos et ton repas de la veille t'ont redonné des forces, tu récupères 30 points de vitalité.

Ta journée de marche t'as fatigué les muscles. Tu perds 15 points de vitalité.

Dès les premiers grognements Jarel s'était retourné, prêt à se relever d'un bond pour faire face. Mais comment faire face à toute une meute de loups affamé? Le combat était suicidaire, il fallait battre en retraite et les attiré dans un piège, ça ne devait pas être trop difficile.

- En formation! 41 tu pars devant on te couvre! Les autres, les plus petits sont les cibles prioritaires!

41 prit son rapace et débuta une folle course vers le bâtiment le plus proche pendant que le restant de l'équipe formait une ligne en marchant vers l'arrière tout en tirant sur la meute. Il fallait abattre les plus petits et les moins résistants pour pouvoir mieux résister face aux plus gros. L'unité fît feu et déjà quelques bêtes tombaient de tout leur long sur la mousse. Leur nombre décroissait à mesure que l'unité reculait, mais 130 chuta en trébuchant sur un bout de bois pourri.

- Mon Lieutenant!

Quelques loups s'apprêtaient à se jeter sur l'unificateur désarçonné pour en faire leur repas, mais Jarel, aussi étrange que cela puisse être, vît immédiatement la marche à suivre.

- Unité 9, fermez les yeux!

Tout le monde s'exécutèrent et Jarel lançait déjà la flash bang. La plupart des bêtes stoppèrent leur avancés, celles qui se ruaient sur 130 furent aveuglées et l'homme put se déporter sur la gauche pour leur échapper. 130 se releva immédiatement, saisit son arme et ils se remirent en position.

- Boss, je suis en position. Je vais pouvoir vous couvrir.
- OK 41, on n'attendait que ça! Unité 9, on accélère!

Les hommes se retournèrent alors pour courir tout en gardant un œil sur leurs arrières. 41 tirait sur ce qu'il pouvait en évitant les tires dangereux pour les siens. La bâtisse n'était guère éloignée, un peu plus loin sur la droite. 42 fût le premier arrivé, suivit de Jarel qui se plaça en couverture près de l'entrée. Les deux derniers arrivèrent en trombe dans la pièces où Jarel finit par s'y engouffrer en claquant la porte au museau d'un énorme loup au poil noir hérissé. La bête luttait pour enfoncer la porte alors que Jarel le retenait comme il le pouvait.

- Bon sang 130 file moi un coup de main. 41 et 129 trouvez moi de quoi bloquer cette issue. 42, vas et cherche si y a des ouvertures ici. Mais restes à porté de voix.

Se terrer, c'est ce qu'aurait fait n'importe quel homme le temps que les bêtes se lassent et s'en aillent. Mais Jarel comptait bien leur transpercer la fourrure en attendant. Les fenêtres étaient bien trop étroite pour les gros, et les plus petits avaient déjà été éliminés. Jarel se félicita d'avoir prit cette décision.

EJ :

La porte claquait sous les coups de l'énorme loup qui cherchait à entrer. 130 sa plaqua à côté de Jarel pour l'aider à retenir la bête. 41 et 129 déplaçaient quand à eux une immense commode en bois entièrement vide.

- Faîtes place boss ! On va la jeter contre la porte. 129, arrange toi pour que cette saloperie de loup nous lâche un moment !

- Aucun problème.

Jarel et 130 s'écartèrent juste après l'un des coups du loup. 129 tira une rafale à travers la porte en bois, lui empêchant toute autre attaque avant que 41 ne bascule la commode qui vint bloquer la porte. L'Unité 9 était en sécurité.... Du moins c'est ce que Jarel pensait lorsqu'il se retourna, tombant nez à nez avec le canon d'un vieux fusil rouillé.

- Z'êtes qui vous qui venez déranger le vieux Gill ?

L'homme était tout ce qu'il y avait de plus étrange. Une cinquantaine d'années, long cheveux et barbe blanche, divers tatouages sur le visage. Il portait une tenue kaki rapiécée et malodorante. L'escouade venait de trouver celui qui avait tiré le coup de feu déclencheur de l'attaque des loups. Un coup de pied fit basculer l'homme en arrière, et il se retrouva instantanément le couteau de 42 sous la gorge.

- Dîtes boss, ça fait combien de fois que je vous sauve ?

Le vieil homme semblait craintif, sans crier au désespoir ni supplier.

- Oh oh ! On s'calme les enfants ! Désolé pour tout ce rafut ! J'étais persuadé d'avoir abattu le chef de meute ! Quand on abat le chef de meute, ils nous courent pas dessus normalement ! A moins que ce n'était pas le chef de meute ? Vous en pensez quoi ?

42 appuya le couteau un peu plus fort. Apparemment, ce vieil homme était un chasseur ermite, et à en voir comment l'immeuble était aménagé, il devait vivre là depuis des lustres. 41 enleva son casque avant de fouiller le vieil homme, lui retirant un vieux couteau de chasse qu'il jeta à l'autre bout de la pièce.

- Rien d'autre sur lui boss ! A part ce fusil de chasse !

42 souleva l'homme, le plaquant contre un mur, toujours le couteau sous la gorge. Il jeta un coup d'œil à l'antique fusil du chasseur.

- Bordel tu touches des cibles avec ça ? Tu l'as créé toi-même ou quoi ?

La réponse positive de Gill brisa le comique de la question du sniper. 130, qui était l'un des seuls à ne pas avoir ôté son casque, approcha son fusil du visage du chasseur.

- Mon lieutenant, la procédure standard voudrait que nous ne laissions aucun survivant.

Le vieux l'observa d'un air ahuri.

- Pas sympa votre procédure standard !

Jarel enlevait son casque alors que 130 s'approchait du vieux Gill. Il parla de la procédure standard, une procédure très largement appliquée en temps normal, le vieux avait de quoi avoir peur, mais il semblait avoir cette nonchalance qui rend certains hommes appréciables. Jarel ria à la réponse du vieil homme, décidément il lui plaisait. Mais 130 n'allait pas l'entendre de cette oreille.

- La procédure ne s'applique pas aux potentiels alliés. Il a essayé de nous sauver la peau en butant le chef de meute, même s'il ne devait pas s'agir du bon. Qu'est-ce que t'en penses 42?
- J'en pense qu'on devrait se méfier sans pour autant lui éclater la tête tout de suite.

42 éloigna lentement son couteau de combat de la gorge du vieil homme qui commençait à mieux respirer. L'homme se frottait la gorge tout en ricanant. Ce type semblait débarquer d'un autre monde, comment pouvait-il être si à l'aise face à des unificateurs? Leur réputation de messagers de la mort ne l'avait-il donc pas atteint? Finalement, 42 s'éloigna lentement en rangeant son couteau tout en fixant dans les yeux le vieux Gill.

- Fais gaffe vieil homme, j'hésiterais pas à tirer au moindre geste brutal.
- Eh ben, j'vous l'dit. Z'êtes un peu tendus par chez vous!
- Désolé le vieux, mais on n'a peu de temps pour plaisanter. Dites, vous faites quoi au juste ici? Vous vivez seul?

130 n'avait toujours pas baissé son arme, mais ce n'était pas plus mal. Au moins ici quelqu'un serait prêt à agir à temps si le vieil homme se révélait être une machine de guerre vouant une loyauté sans faille à Âme Libre. Mais pour le moment Jarel était plus intrigué par l'histoire de cet homme. Qui était-il? Que faisait-il? Quelle était son histoire? Il avait peu de temps, mais ils pouvaient au moins prendre une petite pause après tout ça...
L'endroit sentait le renfermer et la bête semblait s'être lassée ou avoir pris peur après les coups de feu. Tout s'était calmé dans les alentours même si quelques loups hurlaient au loin. Sans doute pleuraient-ils la perde des leurs?

EJ :

Quelques loups rodaient sûrement encore autour de l'immeuble, mais ils s'en iraient bien vite. C'était le moment parfait pour une discussion, tout du moins du point de vue de Jarel, car le vieillard ne devait pas vraiment apprécier d'avoir de multiples armes braquées sur lui, bien qu'il ne semblait nullement craintif. Massant sa gorge avec satisfaction, le vieil homme jaugea longuement son interlocuteur. 42 pointait son arme d'appoint, un pistolet Cobra, sur le vieillard.

- Le monsieur t'as posé une question !

Gill leva les mains pour inciter l'autre au calme.

- Tout doux l'ami ! C'est pas tes deux cicatrices au visage qui vont m'impressionner petit gars ! T'as de la chance que je sois plus tout jeune eh eh !

Il pointa ensuite son doigt vers Jarel, lui adressant un large sourire.

- Vous ! Vous êtes le chef de groupe, ça se voit tout de suite ! C'est bizarre... On m'a toujours dit que vous étiez de vrai robots ! Vous m'avez pas l'air plus étrange que les autres !

Il jeta un regard moqueur à 130 qui pointait toujours son V31 sur lui.

- A part lui ! Pas commode le petit gars ! Eh eh !

Songeant enfin à répondre aux questions de celui qui tenait sa vie entre ses mains, Gill désigna la vieille bâtisse légèrement aménagée.

- Habituellement, je suis entouré de jeunes filles toutes plus belles les uns que les autres, mais aujourd'hui on dirait bien que je suis tout seul ! J'ai trouvé cet immeuble il y a deux ou trois ans, je ne sais plus... Un meublé de trois étages en pleine zone de chasse ! On ne peut pas cracher dessus ! A deux pas du village des rejetés en plus, idéal quand j'ai besoin d'un peu d'compagnie !

130 restait imperturbable, il semblait avoir une envie folle de tuer cet homme pour suivre le règlement, mais son respect de la hiérarchie était encore plus fort. Il agissait comme une machine, suivant l'ordre d'écouter son lieutenant avant celui, légèrement moins important, d'appliquer la procédure standard. Le vieil homme s'avança près de Jarel, lui tendant une main couverte d'une mitaine pleine de terre.

- Je suis Gill le fou ! Anciennement Gill le Sanguinaire, comme quoi les temps changent ! J'étais mercenaire à l'époque, et plutôt violent j'dois l'avouer ! C'est cette organisation là... euh... Âme verte, non ! Âme Libre ! Oui c'est ça, Âme Libre, qui m'a chassé de Liberia il y a des années ! Depuis, j'erre ici et là, je vais où on m'accepte.

D'un geste de la main, l'homme désigna l'étage supérieur.

- Soyez les bienvenus dans mon humble demeure ! J'ai de quoi manger là haut si vous voulez ! J'ai même du thé, je le cultive moi-même, comme d'autres plantes exotiques si vous voyez ce que j'veux dire... J'suppose que vous êtes là pour vous battre hein ? J'les ai vu moi les autres ! Qui l'eut cru, deux visites en une journée... Quoi que les autres ne soient pas passés par chez moi ! Eux aussi ils voulaient faire la guerre on dirait...

Jarel se devait d'accepter l'invitation du vieil homme, cependant il ne devait pas non plus se relâcher. Ici, tout le monde avait besoin d'un peu de repos, Jarel le premier. Il esquissa alors un léger sourire à l'attention du vieil homme.

- Pourquoi pas, Gill. Jarel se tourna vers 41. Prends 130 avec toi et montez sur le toit. Faudrait pas qu'on se fasse coincer ici. 129, 42, avec moi.

Le petit groupe monta les escaliers délabrés qui craquaient sous les poids des bottes des hommes. Jarel avait toujours son Z-200 en main, et même s'il ne menaçait plus directement le vieil homme, il se méfiait. Ils débouchèrent sur un salon plutôt bien aménagé avec une arrière-cuisine sur la droite. L'homme s'arrêta sur le palier pour se retourner et pointer du doigt les escaliers.

- Par là-haut vous y trouverez de quoi faire le guet. Y a tout ce qui faut, avec une mini cabane pour vous abriter.
- Boss, ne perdons pas trop de temps.
- Non, 41. Je crois même qu'on peut en gagner pas mal.

41 et 130 continuèrent leur ascension pendant que Gill se dirigeait vers l'arrière-cuisine. 129 le collait pour surveiller tous ses faits et gestes et pour s'assurer qu'il ne mette pas de produit toxique dans les aliments. Pendant ce temps 42 et Jarel évoluait tranquillement dans le salon. Il y avait tout le confort nécessaire à une installation prolongée. Une grande table se dressait au centre de la pièce sous une lumière jaunâtre. 42 jeta un regard lourd de sens à Jarel.

- À quoi vous jouez, Boss, chuchota le sniper.
- Ce type connait surement les environs. Il peut nous aider à localiser les groupes indigènes et peut être même les trous forés jusqu'à la Frontière.
- Ouais, et si...

Les deux hommes arrêtèrent leurs chuchotements lorsque Gill fit tomber quelque chose dans la cuisine. 42 écouta un instant et fût rassurer d'entendre les bottes de 129. Ce dernier se proposa d'aider le vieil homme, mais Gill refusa.

- J'aime pas ce type, Boss, c'est tout. On ferait mieux de s'en débarrasser.
- T'as entendu ce qu'il a dit? Il a été jeté par Âme Libre. Pour moi ça indique une certaine opposition entre Jewels et ce type. Alors, laisse faire, de plus 129 à l'air de bien s'occuper de lui.

42 finit par abdiquer et ils s'installèrent à table pendant que Gill et 129 revenait de la cuisine. Il y avait de tout sur la table, thé, biscuits, tranche de lards, de quoi faire un vrai festin. Mais Jarel n'oubliait pas ses hommes.

- 129, tu veux bien apporter de quoi manger à 130 et 41?
- À vos ordres.
- Tiens, prends ce plateau gamin, ça s'ra plus facile pour toi.

129 quitta la pièce avec son équipement sur le dos et le plateau entre les mains. Décidément, cet élément était très méfiant. Mais Jarel en revint à son hôte, Gill. Ce dernier arrachait à pleines dents un morceau de lard qu'il avala sans ménagement.

- Alors les guerriers. Z'êtes ici pour quoi?
- On est ici pour déterminer des accès menant à la Frontière. Sincèrement, j'espérais que vous pourriez nous aider à les localiser. J'ai avec moi un appareil capable de reproduire une carte électronique de la vieille ville...
- Un GPS quoi! Ne me prenez pas pour un vioque largué par la technologie! C'est ma génération qui a inventé ces petits bijoux! Pas vous. Vous, vous n'êtes que des gosses qui jouent à la guerre avec les armes que vous donnent les chercheurs de ma génération.
- Sympa pas le vieux...
- 42, restes tranquille.
- J'peux p't'être vous aider... et p't'être que non! hé hé!
- Comment ça? Soyez plus clair s'il vous plait.
- Eh ça va! Si à mon âge on peut pas profiter de sa sénilité à quoi ça servirait d'être vieux, hein?

Apparemment le vieux Gill n'avait pas volé son surnom. Jarel et 42 allait devoir être patient, très patient.

EJ :

Gill ne devait pas souvent avoir de la compagnie, ce pourquoi il cherchait sûrement à prolonger ce moment. L'homme s'était fait un véritable garde-manger, ce qui indiquait qu'il était encore un bon chasseur, malgré ses airs de vieillard sénile. Il saisit un vieux gâteau sec entre ses mains, y creusant un léger trou à l'aide du bout d'une cuillère. Des miettes s'étalèrent tout autour, sur la table.

- C'est qu'ils creusent eux aussi ! De véritables petits rats ! S'il y avait... disons : quelque chose d'horrible dans ce biscuit, je ne creuserai pas à l'intérieur, pour ne pas libérer cette chose ! Eux, ils creusent sans cesse dans les cavernes, ils vont finir par tomber sur quelque chose de plus gros qu'eux !

42 engloutit plusieurs morceaux de viandes tout en se moquant de ce vieil homme.

- Et si tu nous disais quelque chose d'utile au lieu de délirer vieillard !

Gill se mit à rire.

- Eh eh ! C'est vous qui délirez ! Vous êtes des enfants... Vous jouez au chat et à la souris : vous venez les chercher ici, eux vont vous chercher en haut, il faudrait savoir ! Si tu veux de l'utile, Âme Libre envoie régulièrement des gens par ici, depuis... je ne sais pas moi, un ou deux mois peut-être. Aujourd'hui, ceux qui sont passés ne venaient pas pour creuser... Peut-être sont-ils finalement parvenus à rejoindre votre Frontière qui sait... En tout cas, ils étaient armés !


Jarel avait vu juste, ce vieil homme était une source d'information. Comme tout vagabond, il savait beaucoup de choses.

- Mais ne vous méprenez pas ! Si jamais ils ont creusé, ce n'est qu'avec des pioches, pas avec vos immenses foreuses ! Les habitants des souterrains n'ont plus rien de ce genre. Donc si jamais ils ont atteint la Frontière, leur conduit doit être plutôt... anarchique ! Et très étroit. Personnellement, je ne m'y aventurerais pas.

- Et ils ont creusé où, à part dans ta cervelle ?

Gill s'amusa de plus belle de l'impertinence du sniper. Ce dernier avait vraiment l'impression de perdre son temps à discuter avec un tel homme.

- Je ne connais pas les coordonnées précises et à vrai dire je m'en moque ! Ils sont par le Sud-Est, je dirais... quelque part ici.

Il indiqua un point sur le GPS.

- Ils ont creusé la paroi même du Grenier, mais méfiez vous ! Il y a des grottes dans cette paroi, et vous ne voudriez pas savoir ce qu'elles abritent...

Le vieillard frissonna, comme s'il se souvenait d'un affreux souvenir. Il n'avait pas l'air de vouloir en dire plus. Histoire d'oublier, il avala une gorgée de thé avant de se lever pour activer un vieux tourne-disque. Une musique mielleuse s'empara de la pièce.

- C'est Frank Sinatra ! J'ignore qui c'est, mais c'est ce qui est écrit sur la pochette du Méga disque digital : une antiquité ! Si vous voulez mon avis les petits gars, mieux vaudrait enlever vos armures, mettre des vêtements convenables et vous diriger vers le village des rejetés. Ils vous fileront de quoi vivre contre quelques services... C'est ça la belle vie ! S'entretuer, ça va un temps... Mais c'est rare que l'on y survive...

42 se priva de tout commentaire, allumant l'un des cigares qu'il trouva dans une boîte amené par Gill. Cette offrande avait servi à calmer son aversion pour le vieillard.

- Mais si vous voulez faire autrement, il vous suffira d'un jour de marche supplémentaire pour tomber sur la paroi... Un peu moins si vous trouvez un cheval ou un véhicule. A part les gars d'Âme Libre, il devrait pas y avoir grand monde sur la route ! Les gens se font rares par ici...

Le vieil homme était de bons conseils, quoiqu'un peu égoïste. La marche vers l'Est les avait fatigués, mais ils étaient si proches du but maintenant. Jarel se leva de sa chaise en prenant son arme et son casque. Quelques instants plus tard, tout le monde s'était rassemblé au rez-de-chaussée. Selon 41 les loups s'étaient dispersés depuis quelque temps déjà. Tout le monde était de nouveau opérationnel et Jarel avait ses objectifs en tête. Gill était à leur côté, dans son coin, faisant mine de ne pas écouter.

- Bien on va pouvoir bouger assez vite. Les gars j'ai du boulot pour tout le monde ici. 130, 129 et 41 vous irez vers les parois. Votre objectif est de patrouiller la zone et de choisir un itinéraire sûr. 42, moi et Gill, s'il veut bien, irons vers le village histoire de récolter quelques infos.

Jarel prit son GPS pour le confier à 41. Au village il ne lui servirait à rien, alors que 41 pourrait aisément indiquer les positions des tunnels ennemis.

- Faites attention de ne pas vous faire repérer. Si vous rencontrez du monde, n'engagez pas le combat. À part ça, je te confie le commandement 41.

Jarel afficha alors un léger sourire à 42. Leur mission à eux allait être risquée, mais moins fatigante. Ils allaient s'offrir une petite escapade dans un village, et qui sait, peut être allaient ils obtenir des informations capitales pour l'Etat-Major?

- Bon, équipez-vous en conséquence. Nous partirons dans la nuit. Rendez-vous ici à 9h00, demain matin. L'équipe de forage devrait être arrivée d'ici là. Aller, au boulot messieurs!

Jarel se dirigea vers les escaliers où attendait Gill. Le vieil homme fît mine d'être surpris de l'approche du lieutenant en affichant un sourire de circonstance.

- Vous avez des vêtements civils en rab?
- J'ai une tête à garder mes vêtements plus de trois mois? Ouais, bien sûr que j'ai c'qui vous faut. Monte avec moi. Le clown peut suivre aussi. J'vais vous montrer.
- Dites, ça vous dérange pas au moins?

La réponse était posée, mais en fait Gill n'avait pas vraiment le choix. Jarel ne le laisserait jamais seul jusqu'à ce qu'ils partent de la vieille ville.

EJ :

Gill accompagna les deux soldats jusqu'à l'étage où il leur présenta une pile de vêtements artisanaux, la plupart rapiécés à certains endroits. Ouvrant un placard, il révéla soudain plusieurs fusils de conception très simple. 42 dégaina immédiatement son arme.

- Éloigne toi de ça ducon !

Gill prit un fusil, sans faire attention aux ordres du sniper. Il se permit même de rire au visage du soldat en lui présentant l'arme.

- Tue moi si tu veux gamin ! En tout cas un conseil : prenez ces fusils ! Avec vos joujoux sophistiqués, vous ne ferez pas deux pas dans le village sans vous faire repérer. J'veux bien vous y accompagner les gars, mais me prenez pas pour un abruti ! Si jamais on va au village, j'y resterais... De cette manière, je suis sûr qu'il ne vous prendra pas l'étrange envie de me liquider. Autrement dit, vous laisser vos armes ici, vous prenez ces fusils et vous la fermez jusqu'au village ! Et hors de question de me laisser désarmé : le village est à deux heures de route, on ne sait jamais ce qu'il peut arriver.

Gill redevenait "le Sanguinaire" un instant, ce qui montrait qu'il n'avait pas oublié ses instincts de survie. Il était loin d'être le vieillard sénile auquel il ressemblait, bien au contraire. Pour avoir survécu seul dans les souterrains, à son âge, il devait même être très doué.

42 finit par rengainer son arme, saisissant le fusil qu'il posa de côté pendant qu'il ôtait son armure, partie après partie, comme le faisait son lieutenant. Lorsqu'ils furent en sous-vêtements, les deux hommes enfilèrent les tenues de Gill, qui leur donnèrent de faux airs de chasseurs des souterrains. La barbe naissante des deux soldats et les vieux fusils confiés par l'ermite ajoutaient à l'illusion. Avant de partir, 42 se permit de trafiquer son casque, en ôtant le récepteur radio.

- Je sais que l'Etat Major n'apprécie pas que l'on bidouille le matos, mais ça nous permettre de garder contact avec les autres... Juste au cas-où !

Il glissa l'objet dans sa poche alors que Gill venait voir le visage de ses deux nouveaux compagnons, un sourire aux lèvres.

- L'illusion parfaite : de vrais pouilleux... comme moi ! Si vous voulez bien me suivre !

Les trois hommes quittèrent l'immeuble, Gill plaçant un piège constituée de deux grenades reliées par un fil qui les dégoupilleraient si on marchait au travers. Ainsi, les soldats pouvaient être sûr de retrouver leur matériel une fois de retour.

- C'est parti les petits gars ! Suivez-moi... Et faîtes gaffe : vous portez du cuir, pas du métal ! Une fusillade et on crève tout les trois !

C'est ainsi que commença la marche vers le village des rejetés, qui dura bien dans les deux heures. Au fur et à mesure qu'ils avançaient, les trois hommes pouvaient voir au loin des formes humanoïdes, se dirigeant vers le même endroit qu'eux. Gill parlait peu, indiquant juste de temps en temps la marche à suivre, et précisant les coins à éviter. Grâce à ses appréciations, ils ne rencontrèrent aucun danger, voyant très vite se profiler au loin une mince palissade et quelques bâtisses. Se retournant vers ses deux compagnons, il leur adressa un sourire forcé.

- Au fait, j'espères qu'z'avez pas peur des monstres les petits gars... Parce que là-bas, c'est pas ce qui manque !

Et le groupe se dirigea vers l'entrée du village.


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